De Stijl, deuxième album du duo de Detroit, emprunte son nom au mouvement artistique néerlandais né au début du XXème siècle et qui prône avant tout la limitation stricte des moyens afin de pouvoir représenter les choses de la façon la plus simple possible. La théorie est effectivement retrouvée musicalement chez The White Stripes qui se sont construits autour des limitations que propose aujourd’hui un duo guitare-batterie et du fait qu’ils ne portent que des habits rouges, noirs et blancs. Cependant cet album rompt assez curieusement avec leur premier du fait que le duo commence peu à peu à abandonner cette stricte simplicité musicale, de la même façon que les fondateurs du mouvement De Stijl ont abandonné les règles qui conduisaient ce mouvement. L’album est dédié à Gerrit Rietveld, représentant important du mouvement, dont quelques œuvres figurent dans le livret de l’album, parmi celles d’autres artistes.
Le tout premier morceau, You’re Pretty Good Looking (For A Girl), représente déjà une nouveauté chez les Stripes. Il s’agit d’un très court mais très plaisant début qui les voit plutôt se lancer dans des territoires assez inconnus tels que le bubblegum pop des années 60 que nous rappellent les mélodies de ce premier titre.
Il faut tout de même noter que De Stijl reste un album qui à plusieurs moments, garde l’agressivité du premier. D’abord avec Hello Operator, qui contient deux pistes de guitare et un harmonica, et qui représente un excellent passage de garage-rock qui contient tout le côté spontané, voire improvisé et surtout spectaculaire de ce duo.
On peut aussi ressentir cette agressivité dans les morceaux Let’s Build a Home, puis Jumble, Jumble, les deux ajoutés n’excédant pas 4 minutes, qui rappellent cette simplicité caractéristique de The White Stripes avec des riffs qui utilisent entre 3-4 accords qui se répètent sans cesse et un Jack qui hurle plus que fort que sur le reste de tout ce deuxième album.
Parmi les moments les plus forts de De Stijl il y a aussi la paire Little Bird et Death Letter qui confirment les influences blues du duo. Ici, Jack se permet de nous offrir les plus remarquables passages de guitare slide qu’il n’ait jamais joué pour les Stripes. Dans Little Bird il alterne entre des couplets calmes avec un riff qui revient et des breaks tout à fait palpitants où il développe toutes ses qualités avec le slide. Puis aussi sur Death Letter qui est une reprise du classique de Son House, à qui le premier album des Stripes avait été dédié. Cependant Jack la modernise à l’image de Stop Breaking Down dans l’album précédent, en la jouant entièrement avec la guitare électrique et en y ajoutant ce heavy pounding toujours caractéristique de Meg. Death Letter présente comme Little Bird quelques parties de guitare slide qui sont vraiment admirables, mais on apprécie surtout son riff qui est tout à fait symbolique du morceau et même de l’album, voire du duo.
Tout de même, Jack est aussi capable de nous montrer que la guitare slide fonctionne très bien avec des ballades qui sont dans le genre plutôt country-blues. C’est le cas de Sister, Do You Know My Name ? et de A Boy’s Best Friend, deux morceaux assez similaires qui guidés par les agréables mélodies de la guitare et le rythme d’une batterie qui bascule entre la sérénité et l’agressivité, nous parlent de l’amitié, la famille, et surtout de l’enfance, étape de la vie dont le jeu innocent et simple des Stripes renvoie sans cesse.
Le duo se permet aussi de laisser un espace assez bref pour le piano dans De Stijl, mais il faut dire que les deux morceaux qui le contiennent, Apple Blossom et Truth Doesn’t Make a Noise figurent parmi les plus remarquables de ce deuxième opus. Le premier est une charmante ballade combinant piano et guitare acoustique de façon splendide et qui présente en plus un solo électrique accompagné de l’excellente mélodie du piano de Jack dans ce que l’on pourrait qualifier comme une sorte de chanson cabaret-rock. Puis Truth Doesn’t Make a Noise présente aussi, en gros, une composition assez similaire de piano-guitare acoustique sur les couplets, avec la différence qu’on y retrouve des breaks fabuleux où le piano semble vouloir libérer, à lui tout seul, toute l’angoisse et la colère que contient ce morceau, joint par le riff de guitare qui s’y accouple exceptionnellement.
I’m Bound to Pack It Up fourni à cet album son côté le plus calme et serein. Il s’agit d’un morceau complètement acoustique où Meg ne joue que le tom de sa batterie, Paul Henry Ossy y joue du violon qui nous offre des moments remarquables parmi ces 3 minutes et Jack se permet même d’expérimenter avec la contrebasse, mais il faut dire que la guitare reste quand même l’instrument principal dont les accords conduisent le morceau, sans doute le plus singulier de l’album.
De Stijl clôt avec Why Can’t You Be Nicer to Me ? qui est un mélange assez intéressant de garage et de blues avec une intervention plutôt surprenante de violon électrique qui marche très bien avec la mélodie très blues dans l’ensemble. Puis avec Your Southern Can Is Mine qui est la première reprise acoustique que font les Stripes de leurs idoles du blues de la première moitié du XXème siècle, cette fois-ci Blind Wille McTell à qui l’album est aussi dédié. Celui-ci est aussi le morceau des White Stripes qui reprend le plus fidèlement ce vieux blues qu’ils admirent tant et cette fois-ci Meg est invitée à rejoindre Jack pour chanter le refrain.
De Stijl, d’une façon générale, se distingue aussi de The White Stripes par l’utilisation de nombreux instruments autres que la guitare, le piano et la batterie comme le sont l’harmonica de John Szymanski dans Hello Operator, le violon et le violon électrique de Paul Henry Ossy dans I’m Bound to Pack It Up et Why Can’t You Be Nicer To Me ? respectivement, mais aussi le red egg shaker de Meg et la contrebasse de Jack.
Cet album est aussi l’album des dialogues. On peut entendre avant l’énergique Let’s Build A Home, un Jack âgé de six ans qui récite un poème d’une voix innocente devant sa mère et son frère, ensuite ce qui semble être un dialogue peu déchiffrable en français juste avant Jumble, Jumble, puis pour fermer l’album on peut apprécier un dialogue studio avec Blind Willie McTell qui semble mal à l’aise car il venait d’assister à un accident de voiture.
De Stijl est, somme toute, un album très varié et plus que solide, il est fascinant. Le duo est capable de nous offrir une énorme combinaison de genres et instruments qui en font un très grand album. Mise à part le caractéristique blues et garage que l’on a apprécié dans leur premier album, le duo s’efforce de nous emmener vers de nouveaux horizons, de nouveaux sons, que ce soit les ballades au piano ou le bubblegum pop, tout ce mélange semble fonctionner à la perfection dans De Stijl
come to mexico!!