Paru en 1999, sous le label indépendant Sympathy for the Record Industry, ce premier album de The White Stripes témoigne dans tous les aspects possibles d’une simplicité plus que surprenante. Il n’a été enregistré que durant 4 jours et sa production n’a pas coûté plus de 2 000 dollars et pour l’essentiel nous n’avons qu’à faire à une simple combinaison de voix-guitare-batterie et paroles-mélodie-rythme qui marque le chemin de cet album. Cette combinaison contribue notamment à apporter un côté plutôt agressif et spontané au son qui caractérise ce duo lors de ces débuts.
Le premier morceau Jimmy the Exploder énonce l’esprit de l’album : il dure peu plus de 2 minutes et on peut apprécier la puissante voix de Jack qui hurle à l’image de Robert Plant, accompagné de sa guitare qui joue des riffs à trois cordes simples et répétitifs et du jeu innocent ainsi que rugissant de la batterie de Meg, mais qui subitement bascule vers un passage plus calme pour ensuite revenir à l’explosion.
The Big Three Killed My Baby est aussi un autre morceau symbolique de l’album. Il avait été publié comme single quelques mois avant et contient une rage et une révolte insolite dans ses paroles et sa musique. Ici Jack nous parle de sa ville, et l’un de ses emblèmes, les trois grands constructeurs automobiles Ford, Chrysler et General Motors, ce qui fait de ce morceau un assaut contre l’industrie automobile, la contamination et les licenciements qu’elle engendre.
D’autres morceaux, notamment le triplet Cannon, Astro et Broken Bricks, le premier rarement absent lors de leurs concerts, sont guidés par des riffs aussi simples que brillants avec un rythme tout à fait collant aux influences punk et blues. Vers la fin de l’album, Little People et Slicker Drips conforment 4 minutes très intenses avec des couplets n’excédant pas les trois accords qui contribuent au minimalisme toujours aussi génial de cet album.
Jack White est tout de même capable de faire ressortir ses qualités de guitariste dans des morceaux comme When I Hear My Name, chanson aux paroles répétitives où l’on peut apprécier des breaks de guitare tout à fait délirants, comme l’est aussi celui de Screwdriver qui revient tout au long du morceau et qui constitue vraiment l’âme de ce celui-ci, le premier jamais composé par le duo. Sur Wasting My Time, qui possède des paroles et mélodies plutôt sombres, Jack nous permet aussi d’apprécier quelques passages de guitare assez remarquables.
The White Stripes tourne aussi vers la ballade bluesy notamment lorsque la guitare slide jouée par Johnny Walker de The Soledad Brothers accompagne Jack et Meg dans Suzy Lee et I Fought Piranhas. La première bascule entre passages tendres, assez doux et passages qui expriment un sentiment de chagrin avec une excellente utilisation du slide au début du morceau et entre les différents passages, présent aussi sur I Fought Piranhas (le dernier morceau de l’album) où l’on peut apprécier quelques solos de guitare qui figurent parmi les meilleurs de ce premier disque.
Sugar Never Tasted So Good est avec Do sans doute le morceau le plus calme. On y retrouve une guitare acoustique, la seule dans tout l’album, et une batterie qui ne joue pratiquement que les cymbales. Alors que Do alterne entre une voix assez calme accompagné d’une très belle mélodie et une voix agitée laissé presque sans accompagnements, dans ce qui est un des morceaux les plus remarquables de ce premier opus.
Enfin, le duo reprend trois morceaux dans l’album (et insère un couplet de John The Revelator de Blind Willie Johnson dans Cannon) se montrant aussi sélectifs qu’efficaces mais aussi originaux au moment d’adapter des chansons qui ne leur appartiennent pas. Les reprises ici présentes confirment les influences blues du duo et leur admiration pour le genre : ils nous proposent d’abord une version électrique avec percussion de Stop Breaking Down de Robert Johnson, où Jack lui même prend le slide joint par une très puissante batterie de Meg. Ils reprennent aussi One More Cup of Coffee de Bob Dylan et St. James Infirmary Blues (un standard du blues attribué sur cet album à Joe Primrose mais qui est en réalité d’origine anonyme et a été joué par grand nombre de musiciens) qui font de The White Stripes un album varié et solide. St. James Infirmary Blues est en effet assez singulier car les guitares y sont absentes, Jack se posant cette fois-ci sur le piano dans un autre excellent morceau de l’album.
Bref, The White Stripes est d’une qualité assez constante et est assez agréable à écouter. L’album est parfois varié, même si pour la plupart des morceaux la structure et l’idée musicale sont les mêmes avec des riffs simples à trois cordes qui créent tout le côté frénétique, mais tout de même Jack et Meg se permettent souvent de baisser l’intensité en y ajoutant des éléments assez divers comme la guitare slide ou le piano. The White Stripes reste quand même un très grand début pour ce duo de Detroit qui nous offrent d’emblée un style qui leur est propre et un son qui les caractérisera pendant longtemps.